PrinceNoir Oublié...
Nombre de messages : 1487 Alliance : Tonnerre Fonction : Mari d'Elyra Date d'inscription : 31/08/2005
| Sujet: Poésie Jeu 25 Mai - 11:24 | |
| - Citation :
LA TRISTESSE DU DIABLE
Silencieux, les poings aux dents, le dos ployé,
Enveloppé du noir manteau de ses deux ailes,
Sur un pic hérissé de neiges éternelles,
Une nuit s'arrêta l'antique foudroyé.
La terre prolongeait en bas, immense et sombre,
Les continents battus par la houle des mers,
Au-dessus flamboyait le ciel plein d'univers;
Mais Lui ne regardait que l'abîme de l'ombre.
Il était là dardant ses yeux ensanglantés,
Dans ce gouffre où la vie amasse ses tempêtes,
Où le fourmillement des hommes et des bêtes
Pullule sous le vol des siècles irrités.
Il entendait monter les hosannas serviles,
Le cri des égorgeurs, les Te Deum des rois,
L'appel désespéré des nations en croix
Et des justes râlant sur le fumier des villes.
Ce lugubre concert du mal universel,
Aussi vieux que le monde et que la race humaine,
Plus fort, plus acharné, plus ardent que sa haine,
Tourbillonnait autour du sinistre immortel.
Il remonta d'un bond vers les temps insondables
Où sa gloire allumait le céleste matin
Et, devant la stupide horreur de son destin
Un grand frisson courut dans ses reins formidables.
Et se tordant les bras, et crispant ses orteils,
Lui, le premier rêveur, la plus vieille victime,
Il cria par delà l'immensité sublime
Où déferle en brûlant l'écume des soleils :
- Les monotones jours, comme une horrible pluie,
S'amassent, sans l'emplir, dans mon éternité;
Force, orgueil, désespoir, tour n'est que vanité;
Et la fureur me pèse, et le combat m'ennuie.
Presque autant que l'amour la haine m'a menti :
J'ai bu toute la mer des larmes infécondes.
Tombez, écrasez-moi, foudres, monceaux des mondes
Dans le sommeil sacré que je sois englouti!
Et les lâches heureux, et les races damnées,
Par l'espace éclatant qui n'a ni fond ni bord,
Entendront une Voix disant : Satan est mort!
Et ce sera ta fin, Oeuvre des six journées! -
LECONTE DE LISLE
----------------------------------------- Et un autre : - Citation :
- LES LITANIES DE SATAN
O toi, le plus savant et le plus beau des Anges, Dieu trahi par le sort et privé de louanges,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
O Prince de l'exil, à qui l'on a fait du tort, Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui sais tout, grand roi des choses souterraines, Guérisseur familier des angoisses humaines,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits, Enseignes par l'amour le goût du Paradis.
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
O toi qui de la mort, ta vieille et forte amante, Engendras l'Espérance, - une folle charmante!
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui sais en quels coins des terres envieuses Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi dont l'œil clair connaît les profonds arsenaux Où dort enseveli le peuple des métaux,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi dont la large main cache les précipices Au somnambule errant au bord des édifices,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre, Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui poses ta marque, ô complice subtil, Sur le front du Crésus impitoyable et vil,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Toi qui mets dans les yeux et dans le cœur des filles Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Bâton des exilés, lampe des inventeurs, Confesseur des pendus et des conspirateurs,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,
O Satan, prends pitié de ma longue misère!
Charles Baudelaire _________________ Quelques poèmes de la part de Lilith, recontrée au cabaret | |
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